Evanne Jeanne-Rose, Vice-Président de l’Unhaj et représentant du CNAJEP au CESE rapporteur de la saisine « Les métiers de la cohésion sociale » nous en explique les enjeux.
A la veille de la fermeture de la consultation, quel bilan en tirez-vous ?
Deux mois sont passés depuis le début de la saisine, et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils ont été intenses. 3 visites de terrain ont été ou vont être organisées à Aubervilliers, Lyon et Montpellier dont une visite dans un FJT. Nous avons déjà auditionné 65 personnes de tous horizons, de différentes professions et organisations ou institutions. Début avril, nous comptabilisions plus de 15 000 contributions sur la plateforme qui sera clôturée demain.
L’idée était de mener une réflexion transversale sur ces métiers, les difficultés auxquelles les professionnels sont confrontés. Le travail n’est pas fini, il reste encore de nombreuses étapes avant la présentation de l’avis le 12 Juillet. L’ambition de cet avis est de recréer les conditions nécessaires pour permettre aux professionnels d’exercer leur métier, s’assurer qu’ils trouvent un sens à leur travail, qu’ils restent en poste et que demain nous ayons toujours suffisamment de professionnels… Tirer un bilan serait donc un peu prématuré mais, on peut dire que la mobilisation est au rendez-vous, les contributions très riches et que ça dénote un fort intérêt pour cette question.
Quels sont les sujets qui apparaissent ?
Nous avons peu l‘habitude d’observer cette famille de métiers au-delà des secteurs d’activités ou des publics, alors les sujets sont nombreux.
Sur la formation on peut parler de l’articulation et l’équilibre entre les formations et les espaces d’exercice des professionnels. Concernant les animateurs par exemple, on ne pense pas à tous les lieux dans lesquels ils exercent. Il y en a dans des colonies de vacances, centres de loisirs, FJT… ça on connait bien. Mais il y en a qui sont moins bien identifiés, comme les animateurs en hôpitaux, les EHPAD, les MECS ou IME1… On a donc des diplômes qui répondent à plusieurs espaces d’exercices. Qu’est-ce que ça donne dans la vie professionnelle ?
Un autre sujet est l’impact, sur les professionnels, des discours concernant les publics dont ils s’occupent. Ils estiment que la violence de ces propos dénote un regard méprisant sur l’utilité du travail qu’ils mènent et un regard très méprisant sur les publics qu’ils accompagnent. On leur demande des choses qui ne sont pas forcément adaptées aux personnes qu’ils accompagnent, et cela leur donne le sentiment de ne pas être écoutés, voire d’être invisibilisés.
Ils ont également exprimé leur mal-être face à la profonde réorganisation du travail qui vient percuter les missions qu’ils mènent et dévie leur force de travail sur des tâches qui ne sont pas les leurs : tâches de reporting, de remise en emploi… On a vu à plusieurs reprises un sentiment de déqualification professionnelle, avec des formations soit non accessibles, soit inadaptées pour répondre aux missions demandées. Enfin, la question de fond qui apparaît est « est-ce que je fais encore un travail de la relation aux autres ? Est-ce que je ne suis pas en train de devenir maltraitant ? ».
On parle souvent aussi de l’évolution du management dans le social. Le mode de pilotage s’éloigne du terrain. Il existe de moins en moins de chef de service de proximité, au bénéfice de chefs de pôles qui ont plusieurs équipes avec des fonctions de coordination données a des salariés qui n’ont pas toujours les compétences, les capacités et le temps de construire un cadre sécurisant et soutenant.
Dans le fond qu’attend-t-on des professionnels de la relation sociale, socio-éducatifs et leurs collègues ? Leurs missions sont perdues par le changement permanent des dispositifs et de la façon dont ils sont mis en œuvre, des discours et de la non lisibilité nationale de quelle politique sociale nous voulons, qu
’elle place nous accordons aux personnes qui peuvent traverser une période de vulnérabilité, de handicap, de précarité, etc. Ils sont en charge de la cohésion sociale mais aussi de l’émancipation et de changement social pour plus d’inclusion, mais ne savent plus sur quoi ils doivent travailler et peinent à se réapproprier les sujets de société.
1 EHPAD : Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes
MECS : Maison d’enfants à caractère social
IME : Institut médico-éducatif